Les traitements de surface

Retour à la page Technique


La peinture

Le métal

A propos du chromage...

         

"La rouille aurait un charme fou
si elle ne s'attaquait qu'aux grilles
.
"

Jean-Pierre Kernoa (texte), Maxime Le Forestier (musique)

 

Note : c'était il y a longtemps, et ça ne me rajeunit pas...

 

L'essentiel des motocyclettes est constitué d'acier, de fonte, de fer, métaux parents entre eux, pleins de qualités, mais qui présentent un inconvénient majeur : ils rouillent et se détruisent rapidement si on ne prend pas la précaution de les soustraire au contact avec l'air ambiant, l'eau, l'humidité. Il y a pour cela deux principaux procédés : recouvrir le métal en question de peinture, ou le recouvrir d'un autre métal moins sensible.

 

La protection par la peinture

Tellement classique qu'il n'est pas nécessaire de s'étendre sur le sujet. Mais quelle peinture utiliser ?

Plusieurs couches fines sont préférables à une couche épaisse, parce qu'avec une couche unique, les solvants qui diluent les pigments ont du mal à s'évaporer. On peut même arriver à la situation dans laquelle la couche superficielle est sèche, mais la peinture interne ne l'est pas, parce que précisément la couche superficielle fait barrage vers l'air ambiant aux solvants.

Pourquoi plus d'une couche ? Parce que quand on passe une couche de peinture, il existe toujours des endroits où cette couche est rompue : bulle, trou, rayure. L'efficacité de la protection est alors détruite. Par ailleurs le subjectile n'est pas parfaitement plan. Ce n'est pas un miroir. Par conséquent, il existe çà et là des pointes, des crêtes, qui peuvent ne pas être recouvertes par la couche unique. En passant une deuxième couche, la probabilité pour qu'un trou se forme là où il y en avait déjà un sur la première couche est quasi nulle. Les crêtes seront recouvertes. Mais dans le trou ou sur la crête, il n'y aura qu'une épaisseur de peinture. En passant une troisième couche, voire une quatrième, on est tranquille.


La protection par un autre métal

Le mécanisme de la corrosion par le métal en milieu humide était particulièrement bien expliqué dans le site "http://bricologue.free.fr/corrosion.htm", mais il a disparu.

Le zinc

Le métal le plus utilisé aujourd'hui pour protéger le fer est le zinc. On recouvre donc le fer par du zinc. On fait ça par immersion dans un bain de zinc en fusion, par projection de zinc en fusion, par galvanoplastie. Quand un morceau de fer est recouvert de zinc, il est protégé de la corrosion parce qu'il n'est plus en contact avec l'oxygène de l'air, et ne peut plus s'oxyder. Mais il est encore un peu protégé quand la couche de zinc est entamée (trou, rayure) au point que le fer revient au contact de l'air : en effet, en présence d'humidité, le zinc et le fer forment une pile électrique, le zinc étant le pôle positif, le fer le pôle négatif. Alors, des ions positifs de zinc se déplacent spontanément vers le fer, et tendent à combler le trou. La protection se reforme toute seule. Bien sûr ce phénomène se produit à une échelle microscopique. Mais la protection est réelle. Des générations de lessiveuses, de gouttières et de seaux d'eau galvanisés en témoignent.

Le zinc lui-même n'est pas attaqué par l'humidité de l'air parce le produit de l'attaque est imperméable à l'air et protège le zinc de toute corrosion ultérieure (même phénomène qu'avec l'aluminium). On améliore la résistance mécanique du zingage électrolytique par une passivation à l'acide chromique. C'est ce qui donne à la boulonnerie pour l'automobile sa couleur jaunâtre. Le zinc passivé (ou bichromaté) a une bien meilleure tenue à la corrosion, trois fois mieux, que le zinc seul.

Lorsqu'il est déposé par galvanoplastie (électrolyse), le zinc a classiquement une épaisseur de 5 à 20 µm. Plus c'est épais, plus la protection est efficace. Au delà de 40 µm, il faut passer à la galvanisation à chaud ou par métallisation au pistolet (projection de zinc en fusion).

Attention à la fragilisation des aciers durs (> 1000 N/mm²) par l'hydrogène après une galvanisation. Comme à chaque fois que l'on recouvre un métal par un autre, ici l'acier par le zinc, le métal en surface retient prisonnier l'hydrogène dans le métal. L'hydrogène crée des criques qui s'agrandissent lors du travail du métal, et la pièce finit par casser. Ce phénomène est classique pour les ressorts. Il faut donc procéder à un traitement thermique des pièces avant ("recuit de détente") et aussitôt après ("défragilisation") galvanisation.

Le cadmium

On a utilisé le cadmium à la place du zinc pendant longtemps. D'un aspect plus gris mat et plus gris que le zinc, le cadmium offre une protection très supérieure à celle du zinc. Malheureusement, le cadmium est polluant et dangereux pour la santé et est interdit d'utilisation depuis la fin des années 60. On l'utilise cependant encore avec des précautions draconiennes pour des applications très particulières comme la marine. Noter que les batteries au cadmium-nickel contiennent, leur nom ne laisse pas de doute, du cadmium. C'est pourquoi il ne faut pas jeter à la poubelle des batteries Ni-Cd. Le cadmium se retrouverait alors mélangé aux ordures ménagères et après un long trajet non défini, finirait peut-être en engrais sur nos carottes, ou dans nos robinets après passage par les nappes phréatiques...

Même remarques sur la fragilisation par l'hydrogène et la passivation chromique que pour le zingage.

Le nickel

Le nickel est un métal assez mou, fournissant une bonne protection contre la corrosion. Il est déposé par galvanoplastie, avec une une épaisseur de l'ordre d'une vingtaine de micromètres. Il se ternit rapidement à l'air.

Le chrome

Le chrome est la raison d'être du Harleyiste de base. Le chrome a été utilisé après 1930. Pourquoi pas avant ? Bonne question. Je ne savais pas, j'ai cherché, et j'ai trouvé. Voir ci-dessous. C'est un métal très très dur, très brillant. Il est déposé par galvanoplastie, avec une épaisseur de l'ordre d'un demi-micromètre. Cette épaisseur étant extrêmement faible, la moindre imperfection de surface sera visible et gâchera l'effet. Il faut donc polir la pièce à chromer à la perfection avant toute autre chose.

Le chrome n'adhère pas bien sur le fer. Il adhère bien sur le nickel, lequel adhère très bien sur le cuivre. Donc pour chromer une pièce en acier (les nombreux rinçages ne sont pas mentionnés) :

L'argent

Je ne connais pas d'utilisation de l'argent pour protéger des pièces de moto (alors que pour les petites cuillères, oui). L'argent n'est pas un très bon protecteur, et il noircit vite par formation d'oxydes et de sulfures (avec les gaz d'échappement qui contiennent, de moins en moins il est vrai, du soufre). Les contacts électriques sont souvent argentés.

L'or

Même remarque que pour l'argent sur l'utilisation en moto. Mais il est probable que dans certains pays où on a l'habitude de dorer les pare-chocs des Rolls-Royce, on dore aussi les guidons et les jantes... La protection apportée par l'or est remarquable. L'or se dépose comme le chrome sur des sous-couches de cuivre et de nickel. Inconvénient : l'or n'est pas dur du tout, et donc un choc ou une rayure sont fatals à la protection.

Nouvelles protections

La recherche de la perfection dans l'automobile a poussé a trouver des revêtements de surface très performants et économiques. Il existe donc maintenant des revêtements zinc-fer, zinc-nickel, mettant en jeu une métallurgie complexe, et qui donnent des résultats supérieurs au zinc bichromaté pour un prix un peu supérieur. Ces revêtements sont le plus souvent noirs, ce qui est parfait pour aller sous le capot-moteur d'une voiture. Voir plus bas quelques détails sur le sujet.


A propos du chrome et du chromage

Le chrome a été découvert en 1797 par Nicolas-Louis Vauquelin, professeur de chimie à l'école des Mines de Paris. Il le tira d'échantillons de minerai en provenance de Russie, le "plomb rouge". Les sels de chrome furent ensuite utilisés comme pigments pour la peinture, dans la teinturerie et dans le tannage des peaux. L'utilisation du chrome dans l'acier date de 1865 mais elle ne s'étendit vraiment qu'à partir du moment où on a pu produire du chrome dans des fours électriques, c'est à dire vers 1900.

Consultez le site Wikipedia pour des informations techniques complètes sur le chrome lui-même.

Les restaurateurs de motos et de voitures anciennes savent, parce qu'ils l'ont lu partout, que les pièces chromées ne sont apparues qu'après 1930. Auparavant, on nickelait. Pourquoi, alors que le chrome était connu depuis 130 ans, et produit en quantité depuis 30 ans ? Voici l'avis d'un spécialiste anglais de la chimie du chrome, le Dr Grant Darrie, de l'International Chromium Development Association :

L'utilisation commerciale de la chimie du chrome commença dans le 1er quart du 19e siècle. Les premières expériences et les premiers brevets sur le chromage sont attribués à Antoine César Becquerel au milieu du siècle. Tout était basé sur un électrolyte contenant du chrome trivalent, sous forme de nitrate ou de sulfate. Aucun des chercheurs ne semble avoir envisagé l'utilisation de l'acide chromique pour le chromage puisque d'autres métaux pouvaient être plaqués à partir de leurs sels alors que l'acide chromique pur n'est pas ionisé.

L'électrodéposition de chrome sur un métal dans une solution d'acide chromique a été découverte fortuitement et presque par accident par un allemand, le professeur Geuther, mais sa découverte resta ignorée pendant environ 50 ans, jusqu'au tout début du 20e siècle, quand un groupe de savants à la Cornell University aux USA reprirent les travaux de Geuther. Mais là encore, leurs travaux ne furent publiés qu'en 1920.

Par la suite, le professeur Fink et d'autres, à l'université de Columbia (USA), établirent les principes fondamentaux qui forment la base du chromage à partir de solutions d'acide chromique. Même en 1925, C.H. Procter, fondateur de la American Electroplaters' Society expliqua : "Le chrome est encore le chaînon manquant dans l'industrie du plaquage".

En 1949, W. Blum et G.B. Hogaboom indiquaient : "l'utilisation large du chromage pour l'industrie et la décoration depuis environ 1925 représente une véritable révolution dans l'industrie du plaquage, parce qu'elle met en jeu le dépôt d'un métal à partir d'un type entièrement nouveau de bain, dans lequel un contrôle des conditions de fonctionnement beaucoup plus serré est exigé comparé à tous les autres bains de plaquage connus. La connaissance et l'équipement nécessaires  pour atteindre les exigences du plaquage de chrome a sans aucun doute fait progresser la connaissance sur tous les autres types de plaquages."

On voit donc que l'électrodéposition du chrome a vraiment été possible techniquement à partir de 1925. On peut penser  qu'elle a atteint l'Europe quelques années plus tard, ce qui correspond bien à 1930, date citée ci-dessus. L'utilisation du chromage a été massive sur les voitures américaines des années 50 et 60. Regardez donc les pare-chocs des Cadillac. 

Le chromage est universellement utilisé aujourd'hui, mais tous les problèmes ne sont pas résolus. Ainsi, on utilise du chrome hexavalent, et on sait maintenant que ce produit est dangereux pour la santé. Pour éliminer ce danger, les autorités européennes ont donc établi le programme suivant :

Le chrome va t'il alors disparaître de nos belles motos ? Non. Parce que le chrome métal n'est pas en cause. Il est totalement stable et ne risque pas de se disperser dans la nature. Il y a danger pendant les opérations de chromage des pièces métalliques, mais ces opérations sont effectuées par des professionnels, donc en principe sous contrôle, et les résidus sont traités de manière adéquate. Il reste les solutions de sels de chrome et les pièces ayant subi un traitement de bichromatage ou passivation au chrome. C'est précisément le cas de la plupart des pièces en fer utilisées aujourd'hui dans l'automobile et la moto. Là, les ions chrome peuvent se dissoudre lentement dans les eaux de ruissellement et présentent un danger. 

Il y a donc urgence à remplacer le chrome 6 par du chrome 3, puis à remplacer le chrome 3 par autre chose, qui protège aussi bien, pour pas beaucoup plus cher. Pour l'instant, l'industrie n'a pas vraiment de solution. On s'oriente vers des traitement toujours à base de zinc, mais dans lesquels on codépose du nickel, du cobalt, voire même du fer en même temps que le zinc. On commence aussi à déposer sur le zinc une sorte de vernis dans lequel des particules de silice sont noyées dans un liant. C'est un peu plus cher que le zingage-bichromatage, et ça pourrait convenir pour les éléments de fixation (visserie, pattes). Mais le vernis pose des problèmes de conductibilité électrique (retours vers la masse), et de propreté (pour les canalisation de freinage ou d'injection de carburant). On le voit, le problème du chrome n'est pas résolu, mais il se pose en fait aussi pour les autres métaux lourds (cadmium, plomb, mercure), pour lesquels des substituts n'existent pas encore. 

La commission européenne en charge de la question a donc décidé, par une directive du 27 juin 2002, d'assouplir sa position. En particulier, le chrome hexavalent est exempté de l'interdiction (donc est autorisé) jusqu'au 1er juillet 2007. Bref, il y a encore du travail...

Pour information, dans un bain de chromage électrolytique, l'anode n'est pas du tout en chrome mais en plomb. Et l'électrolyte n'est pas composé de sels de chrome, mais comme indiqué plus haut, d'acide chromique. On y ajoute des choses comme de l'acide sulfurique, de l'acide borique, du carbonate de sodium, et on le maintien à une cinquantaine de degrés Celsius. Attention : tous ces produits sont dangereux, dégagent des vapeurs toxiques, et les résidus ne peuvent pas se jeter n'importe où. Donc, laisser faire les spécialistes.

19 août 2002