Sources autorisées | |||
Les origines | Les premières vraies | Les années 30 | La guerre et après... |
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La page Bibliographie liste de nombreuses sources d'informations, mais voici quelques données :
Ce que ne disent pas les encyclopédies, c'est que la vieille firme lyonnaise cessa de fabriquer des motos en 1958 pour se consacrer à la fabrication de pièces pour... machines à laver. Elle fut ensuite intégrée à un groupe industriel de mécanique, et disparut. L'histoire avait commencé en 1906. La voici. Elle est fortement inspirée de la série d'articles très documentés signés de Sylvain Petitet parus dans La Vie de la Moto en 1991 (voir Bibliographie). Elle a été complétée par Didier Mahistre, qui a fait des recherches approfondies dans les Chambres de Commerce, les mairies, et tous les endroits susceptibles de recéler des morceaux d'Histoire.
Eugène Billion fabrique des moteurs selon le brevet de de Ronzière, mais il les améliore en brevetant des "perfectionnements". Il vend ses moteurs à la Manufacture Lyonnaise de Motocyclettes Deronzière, créée par M. Cumin-Michelin, en 1908. Le modèle fabriqué par la MLMD est une moto légère équipée d'un moteur de 232 cm3, avec soupape d'admission automatique, et soupape d'échappement latérale commandée. Avec les années, le modèle en question évoluera : il passera à 249 cm3 en 1911 et à 283 cm3 en 1913. Des modifications de la partie cycle interviendront aussi, par exemple pour abaisser le centre de gravité. Cette machine sera commercialisée également sous la marque Rupta (à cause de l'allumage par rupteur) par la célèbre Manufacture d'Armes et de Cycles de Saint-Etienne, par la modeste Manufacture Spéciale d'Armes Fines et Cycles R.P.F. (Rivolier, père et fils), et sous la marque "Superior" par la société "Thimonier et Cie", fabricant de machines à coudre à Lyon.
Le moteur de la Superior de 1913. |
Le réservoir de la Superior, avec la seringue pour la lubrification à huile perdue. |
En 1914 apparaît la première Ultima : c'est une motocyclette semblable aux Deronzière, mais dont le moteur a une soupape d'admission culbutée et un allumage classique par magnéto HT. La société Deronzière, de son côté, connaît des difficultés. Elle change de main pour être finalement dissoute en 1919 et rachetée par E. Billion. Le constructeur de moteurs est maintenant un vrai constructeur de motos. Il fabrique pratiquement tout ce qui compose ses machines, et cette politique va perdurer jusqu'à la disparition de la marque. Ce cas est très particulier dans l'histoire de l'industrie de la moto, puisqu'il existait depuis les origines jusqu'à l'effondrement des années 60, une multitude de constructeurs qui étaient en fait des assembleurs. Ils construisaient un cadre, et le complétaient par ce que d'innombrables sous-traitants mettaient sur le marché : moteurs et boîtes de vitesses (séparées), réservoirs, roues, fourches, freins, carburateurs, commandes, électricité, etc. Ultima ne sous-traitait que la fonderie, mais en assurait l'usinage, et les magnétos d'allumage. Néanmoins, la complexification constante des motos fit que les derniers modèles utilisaient des réservoirs Motaz, des poignées Saker, des phares Ducellier ou Marchal, et d'autres éléments disponibles sur le marché.
1920 : les premières vraies Ultima
Les deux premières vraies Ultima sont les types A et B, nées en 1920, et entièrement issues des Etablissements E. Billion. Les deux modèles ont un moteur de 346 cm3 à soupapes latérales et magnéto. Le modèle A a une antique transmission directe par courroie, et le B a une boîte (brevet Ultima) à deux vitesses, avec débrayage, transmission primaire par chaîne et secondaire par courroie. On peut monter un side-car sur le modèle B. Les deux type A et type B étaient des utilitaires pures, mais avaient une excellente réputation de qualité, de fiabilité et d'endurance, pour un prix intéressant. Ils eurent quelques succès en compétition.
En 1924, Ultima présente le type C : une 500 cm3 bicylindre en V, à soupapes latérales, avec une boîte à 3 rapports et une fourche à parallélogramme. |
Entre 1920 et 1930, les modèles s'améliorent : apparition des roues interchangeables à broche (1925), fourche plus rigide (1927), le réservoir "entretubes" passe "en selle" (1929). Il existe des versions utilitaire, tourisme, de luxe, et même un modèle pour "dame, ecclésiastique et ville". On aura compris que ce modèle avait un cadre ouvert autorisant le port de jupes (longues bien sûr) ou de soutanes.
Article paru en 1925 dans La Revue Motocycliste |
Ultima est une petite marque
lyonnaise. Cette région donnera à la France un très grand nombre de
marques de motos de bonne facture. Dès 1912, E. Billion, qui a
semble-t'il racheté la vieille marque Deronzière construit ce modèle
mais il devra attendre le début des années vingt pour devenir un
constructeur de motos à part entière. Dès 1920, E. Billion produit
une moto entièrement construite dans ses ateliers du 24-26, rue du
Commandant Faurax. Le moteur, la boîte ainsi que la partie cycle sont
fabriqués. Il est rare de voir un constructeur procéder de cette
manière. A cette époque, les constructeurs "assemblaient"
pour la plupart leurs motos en achetant un moteur chez Anzani, une
boîte de vitesses chez Staub ou Burman, le réservoir provenant de chez
un spécialiste ne fabriquant que des réservoirs. Même demande pour
les roues, le guidon, les garde-boue, etc. Rapidement, les motos Ultima
deviendront très populaires dépassant le cadre restreint, réservés
aux petits constructeurs provinciaux (1). E. Billion construira même
ses propres side-cars pour aller avec ses propres motos.
Bien que la compétition soit peu la vocation d'Ultima, certaines de ces machines s'illustreront dans des épreuves de tourisme aux mains de Dovel et de Zind (rappelons que Zind sera le pilote qui remportera le premier Bol d'Or organisé par Eugène Mauve en 1922 sur le circuit de Vaujours).
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Note de l'auteur du site : comme quoi le parisianisme n'est pas une invention récente... |
Les années 30 : les gros cubes
Au Salon de 1930 apparaît le type D, disponible en 350 et
en 500. C'est une machine très moderne, luxueusement équipée (chromes,
éclairage, avertisseur sonore...), dont la mécanique est digne d'intérêt :
cadre double berceau robuste, bloc moteur Ultima original, transmission par
arbre et cardan. Ce modèle continuera à être fabriqué sous différentes
versions en petites quantités jusqu'en 1940. On peut voir un bel exemplaire de
D 500 au musée Henry Lamartre, à La Rochetaillée sur Saône, près de Lyon.
Deux photos de ce modèle sont visibles dans l'album. Ici une D1 350 cm3 du catalogue 1933 (5 975 Francs) |
Les types B et C évoluent et assurent la prospérité de l'entreprise. On voit des modèles 500 cm3 monocylindres, des 350 et 500 sportifs à soupapes culbutées, et même un 700 cm3 à deux cylindres en V ! A partir de 1936, ces modèles sont remplacés par d'autres, plus modernes dans leur conception : cadre double berceau, moteur semi-bloc, avec boîte 4 et sélecteur au pied.
En 1937 le type U est proposé en 250 et 350 à soupapes latérales. Il existe aussi des machines plus petites, équipées de moteurs deux-temps : le type V (en 100 cm3) et le type Z (en 175).
C'est en 1939 que Eugène Billion transforme sa société "les Etablissements E. Billion" en sàrl "les Anciens Etablissements E. Billion". Les actionnaires de la nouvelles société sont le fondateur Eugène et son fils Louis, et deux compagnons de la première heure, André Dorel et Claudius Fargeton, contremaîtres. A la mort de son père, Louis Billion dirigera seul la société jusqu'à ce qu'elle disparaisse.
La guerre ralentit la production, et les petits moteurs deux-temps remplacent les gros quatre-temps. Le retour de la paix voit réapparaître le type V. Ce modèle est équipé d'une fourche télescopique moderne et d'un moteur à boîte séparé avec sélecteur au pied. Le type V sera décliné en plusieurs versions, comme la V4-2 de 1949.
A partir de 1951, la marque Ultima a à son catalogue une belle gamme de vélomoteurs (125) et de motocyclettes (175). Toutes sont modernes, avec fourche télescopique, suspension arrière, bloc moteur avec sélecteur au pied. De modestes tentatives individuelles naissent dans la société pour faire renaître de grosses cylindrées, mais elles ne vont pas au delà du prototype et des essais préliminaires. Après 1955, la Mobylette de Motobécane est apparue, et on commence à trouver des Citroën 2CV et des Renault 4CV d'occasion à des prix approchant ceux des motos neuves. Ultima présente de beaux modèles à bloc moteur de 125 et 200 cm3, certains même avec un embrayage automatique. Les V6, V7, MK1 et F125 sont de bien belles machines, compétitives techniquement, mais chères. Et la guerre d'Algérie commence. La jeunesse française va alors devoir porter un casque, mais pas celui qu'elle voudrait. Et cela achèvera probablement l'industrie motocycliste française, puisque les deux plus gros fabricants, Motobécane et Peugeot, après avoir phagocyté tous leurs concurrents abandonneront aussi le marché. Ultima, qui employait une cinquantaine de personnes en 1955, qui avait une production de qualité et des succès en compétition, s'arrêta en 1958. La société se reconvertit dans les composants pour machine à laver, un marché alors en plein essor. Finalement, les Anciens Etablissement Billion furent intégrés dans un groupe industriel de mécanique. Et la marque Ultima disparut.
L'après-moto
Il est souvent écrit qu'après avoir abandonné la moto, Ultima se reconvertit dans les pièces pour machines à laver. Quelles pièces ? Voici deux réponses.
La première, donnée par René Lacroix, dont la société usina pour Ultima des éléments pour lave-linge. Ce sont des boîtes de vitesse pour lave-linge que la marque lyonnaise fabriqua. En effet avant l'apparition des moteurs électriques à double enroulement, on utilisait un moteur électrique monovitesse et une boîte de vitesse. Celle-ci permettait d'avoir une vitesse basse pour le lavage, et une vitesse haute pour l'essorage. Elle disposait dans sa partie interne d'un baladeur avec crabots (commandé par électroaimant), et suivant le cycle demandé, utilisait un rapport ou l'autre. Le client final était en majorité Arthur-Martin. Cette fabrication est devenue obsolète dans les années 60 avec l'apparition à des prix compétitifs des moteurs multi-vitesse.
Et voici la deuxième réponse, qui montre un exemplaire de ce dispositif mécanique, retrouvé et identifié par un amateur lyonnais :
Vue générale du dispositif. C'était du solide ! |
Vur latérale, avec le levier de commande de changement de rapport. |
Vue latérale |
Gravure "ULTIMA B SGDG CHRISTOPHE SA VILLEURBANNE RHONE" |
Petite note d'érudition industrielle : les lave-linge européens, avant d'utiliser les moteurs à commande électronique actuels, et après l'éphémère période boîte mécanique, utilisaient un moteur à deux enroulements : un 12 pôles et un 2 pôles. En commutant sur 12 pôles, on tournait à 50 t/min environ, pour le lavage. En commutant sur 2 pôles, on tournait 6 fois plus vite, pour l'essorage. Il a existé aussi des moteurs 2 / 16 pôles qui permettaient d'essorer à 400 t/min, et même des moteurs 2 / 12 / 16 pôles. La course aux hautes vitesses d'essorage a poussé certains fabricants à essayer d'adapter un changement de vitesse mécanique à un moteur 2 / 12 pôles. Il y eut des prototypes à variateur du type Mobymatic, d'autres à deux courroies et "dérailleur" interne. C'était hardi, compliqué, et ce n'est jamais entré en production. L'électronique, plus pratique, plus silencieuse, plus fiable, moins chère, a balayé tout ça...
16 janvier 2020